Pierre Oster – Les morts

 

Pierre Oster

 Les morts

 

Au faîte des pommiers, petits pommiers que des astres verts traversent,

Un trait d’or au-dessous du corps de Vénus me plaît ! La nuit,

Près d’atteindre à des bords souverains défendus  par l’horizon des heures,

La nuit change de route. A ne pas l’oublier je prends garde et

La sagesse en nous compose avec le fleuve. Le vent, lui, nous enseigne

A faiblir, à fléchir. Y aurait-il du temps dans les boules du gui ?

Autant que dans les troncs captifs ? Des chiens chassent en meute.

Ils sont notre équipage et je vante leurs exploits. Rudement,

Prudemment. Quelle fidélité que de s’enfuir ensemble ! A trente,

A cinquante, à moins de cent mètres, une fosse. Chiens, je vous en-

Tretiendrai de nos amies les haies ! Riche de mots ineffables,

Le discours des dernières feuilles nous relie à la gloire des morts

Parlant aux murs. Entends se perpétuer l’appel que le silence interroge !

Tu répètes à ces temples endormis la réponse inconnue… Le soleil

Et l’ombre se mêlent, l’ombre et les traces du soleil. La mer encore

Absente engendre et régente les dieux … Les dieux, der-

Rière et devant moi… Je m’anime, et je m’exclame, et je m’exalte.

Rien ne se perd de la grandeur et ni de la splendeur des tombeaux

Que les talus dissimulent. Pourquoi, puisque tu choisis la cause

Des choses, oui, pourquoi te tenir à l’écart de l’abîme et de l’air

Dès que l’aube s’élance ? Puisque tu peux de nouveau scruter la vie

Ardente … Ardente et sûre et lente. L’attente est mon objet.

Ambitionnons aussi de disparaître à peine et de nous fondre

A l’herbe molle, de continuer dans la marche commune au milieu

Des ténèbres du sol ! Que le soleil monte et nous abandonne, je lui dispute

D’étroits chemins … Je me pencherai à travers le vide ! Je me vouerai à

Des images grises au fond d’un miroir de boue. Nous voici par contraste en quête

D’un bief beaucoup plus que magique, d’une mer étale et de roseaux se reflétant

Dans un verger céleste cerné de lumière. J’en conçois, en mesure,

En convoite, en parcours l’étendue … Je m’en empare ! Et je le dis

Cependant que les arbres se taisent … Le vent n’ignore, n’annonce

Pas les rencontres que nous faisons jusqu’en nos songes. Il nous

aide à passer

Par-delà les meules, par-delà les granges ! A témoigner d’un ordre,

D’un principe (ou d’une fin) dans le cycle des âges. Acceptons donc le privi-

Lège (le matin l’accentue ) d’accéder (par la matière) à la plaine

Suprême ! De naître, de renaître. De rouvrir les yeux sur

Des prairies presque semblables à des barques. Barques triomphales

Que bercent loin des monts les bois comme habités, comme hantés

Par le déclin déjà fastueux de l’année … Retentissent les chambres

Profondes. Le désert nous occupe, ses noirs gisements de géants

En guerre avec le repos de la campagne. Je m’appuie de l’épaule

A la charpente, aux toits que la terre élève. Il nous revient (me revient-il ?)

D’affirmer que notre demeure est la sœur des étoiles secrètes

Guettant chaque nuit le visage de midi ? Des constellations d’en bas l’esprit ne se dis-

Joint … Ce sont vraiment des piliers que nos rochers, sur les ruines,

Au sommet du vieil édifice.  Nous en sommes les fils ! Combien

D’astres symboliques scintillent invisibles ! La crainte et la joie

Se déploient. Refuser le début du voyage ? M’établir, à jamais,

Désormais, au pied des haies. Le vent ? Ses tempêtes redoublent.

Je les redoute et je les conjure … Quant à la poussière du jour…

 


Partager cet article sur  


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>